L’ictère du nouveau-né

Certaines formes d’ictère, chez des bébés prématurés notamment, sont particulièrement graves et peuvent provoquer d’importantes lésions.

L’ictère du nouveau-né, plus connu sous le nom de jaunisse, est banal lorsqu’il apparaît 48 heures après la naissance. Il est dû à une accumulation de bilirubine libre, pigment qui provient de la dégradation de l’hémoglobine (globules rouges). Le personnel des maternités sait bien que plus un bébé est rouge à la naissance, plus il risque d’avoir une jaunisse dans les heures qui suivent. Une rougeur intense correspond en effet à la production de très nombreuses hématies (globules rouges), qui se détruisent et provoquent un ictère.

Origine de l'ictère

Nous produisons naturellement de la bilirubine et en éliminons aussi régulièrement, afin de maintenir un taux équilibré dans notre organisme.

  • Dès la vie intra-utérine, le fœtus produit de la bilirubine, mais c’est le foie de sa maman qui l’élimine. À la naissance, le bébé doit prendre le relais et évacuer seul cette bilirubine qu’il fabrique en grande quantité. Le nouveau-né produit deux fois plus de bilirubine qu’un adulte.

Mais comme son foie est encore immature, il ne peut transformer toute la bilirubine libre en bilirubine conjuguée inoffensive pour l’évacuer. Résultat, elle s’accumule dans son sang, son foie, sa peau et son cerveau et finit par provoquer un ictère.

  • En quelques jours, tous les mécanismes nécessaires à cette évacuation seront en place et bébé retrouvera son teint rose. En attendant, il doit rester sous étroite surveillance. Si son taux de bilirubine libre augmente de façon trop importante, les médecins vont le prendre en charge pour éviter une grave complication : l’ictère nucléaire (dépôts de bilirubine dans le cerveau) qui peut se traduire par des lésions cérébrales irréversibles (surdité profonde, mouvements anormaux).

Un contrôle régulier

Si votre enfant est né à terme avec un poids satisfaisant, cette coloration jaune de la peau et des muqueuses n’a rien d’inquiétant. Elle est d’ailleurs fréquente.

  • Environ 60 % des nouveau-nés, dont une majorité de garçons nés par césarienne, développent un ictère à la maternité. Dès la naissance, un dosage est donc effectué systématiquement, afin d’évaluer leur taux de bilirubine. S’il dépasse un certain seuil, le bébé se voit généralement prescrire un traitement par photothérapie : la lumière bleue, à laquelle il est exposé quelques heures par jour, les yeux protégés par un bandeau.
  • La lumière bleue provoquerait une dégradation de la bilirubine, ensuite excrétée par les urines. Le bébé quittera la maternité avec sa maman lorsque le dosage (quotidien) confirmera que son taux de bilirubine est désormais normal et stable. Actuellement, le dosage se fait par flash et dosage transcutané.

L’exsanguino-transfusion

L’exsanguino-transfusion consiste à remplacer les globules rouges par du sang neuf. Comment ? Le médecin introduit un cathéter (tube long et mince) dans la veine ombilicale. Il ponctionne alors du sang du bébé, puis injecte du sang ou des globules rouges du donneur, en alternance. Très vite, l’anémie disparaît, ainsi que l’excès de bilirubine. Cette technique peut même être réalisée pendant la grossesse, si une échographie décèle les premiers symptômes de la maladie, notamment un œdème généralisé. On effectue alors une injection de sang neuf dans le cordon ombilical, plusieurs fois, avant la naissance.

Trop tôt ou trop tard

Plus rarement, l’ictère peut être le signe d’une affection plus grave ou évoluer de façon anormale.

  • Une jaunisse présente dès la naissance ou apparue avant la 36e heure de vie est inquiétante. La principale cause de cette jaunisse précoce (ictère hémolytique néonatal) : l’incompatibilité rhésus entre la mère et l’enfant, une femme de rhésus négatif qui porte, à sa seconde grossesse, un enfant de rhésus positif. Si elle n’a pas été traitée auparavant par injection d’immunoglobulines, elle développe des anticorps qui détruisent les cellules du fœtus, dont les globules rouges. Le taux de bilirubine du bébé augmente dangereusement. Une seule solution : remplacer le sang du bébé par du sang de rhésus négatif (exsanguino-transfusion).
  • Une incompatibilité entre les groupes sanguins de la mère et de l’enfant peut également provoquer un ictère chez le nouveau-né, sous une forme plus légère. Ces ictères précoces vont conduire les médecins à rechercher une maladie hémolytique familiale (maladie de Minkowski-Chauffard) ou, plus fréquent, une hémolyse escessive (processus de destruction des globules rouges, qui libère l’hémoglobine) passée jusque-là inaperçue.
  • À l’autre extrémité, un ictère qui se prolonge chez des bébés non-allaités, au-delà de la 1re semaine de vie (3e semaine pour un prématuré), incitera les médecins à en rechercher la cause : hypothyroïdie congénitale, infection ou malformation des voies biliaires… Dans ce cas, seul le traitement de la maladie à l’origine du taux élevé de bilirubine permettra de faire disparaître l’ictère.

Restez vigilants, le risque demeure !

  • Le traitement des bébés par photothérapie et la prévention des incompatibilités Rhésus entre mère et enfant ont permis de réduire considérablement la fréquence des ictères graves dans les pays développés.
  • Un optimisme qui doit cependant être modéré, puisque ces dernières années, aux États-Unis, on a observé une nouvelle hausse des cas d’ictère, avec de sévères complications. Pourquoi ? Pour des raisons économiques avant tout.
  • Les femmes quittent la maternité deux ou trois jours seulement après la naissance de leur enfant. Le bébé sort donc lui aussi souvent avec un taux de bilirubine encore trop élevé, alors que l’ictère est en pleine évolution. D’autant plus que le traitement par photothérapie entraîne une baisse du taux de bilirubine, normalement suivie d’un certain rebond, avant de baisser à nouveau définitivement. Et comme le nouveau-né n’est plus surveillé… tout est malheureusement possible.
  • Quelle est la situation en France ? Selon les membres de l’Académie de médecine, nous risquons de prendre le même chemin que les États-Unis. Ils ont d’ailleurs alerté les pouvoirs publics sur cette recrudescence des ictères graves qui pourrait menacer les bébés de notre pays, puisque chez nous aussi, les mamans et leurs bébés sortent de plus en plus tôt de la maternité.

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