Bébé et maman : une relation unique

Un premier bébé pour une maman, c’est si doux à bercer. Avant même d’apercevoir le bout de son minois, on l’a déjà imaginé : nos vies remplies de câlins, d’histoires, ses premiers pas… Alors arrivent les premiers doutes : serons-nous à la hauteur ?

Vouloir tout donner à son enfant, sans jamais le décevoir, c’est théoriquement beau, mais concrètement faux. Quoi de plus normal que de déborder d’amour pour son nouveau-né ? Même si, dans certains cas, la naissance peut aussi se révéler un moment très déconcertant. Certaines mamans se retrouvent déçues par leur bébé, qui ressemble si peu à cet idéal, qu’elles avaient imaginé.

L’enfant-roi et la mère parfaite

Dans certaines familles, ce nouveau couple a fait son apparition. C’est le résultat d’un glissement des repères qui fait de l’enfant le centre du monde et l’éducation, un projet qu’il faut réussir, comme un plan de carrière. Des concepts qui ne laissent que peu de place à l’improvisation, à la spontanéité et aux autres : à la vie, en quelque sorte ! Face cette mère parfaite, assez monstrueuse, le psychanalyste Donald Winnicott (l’inventeur du concept du doudou, l’objet transitionnel), a proposé, il y a déjà des dizaines d’années, le modèle de « good enough mother » (une maman pas trop mal), qui offre des repères, laisse l’enfant suivre son propre chemin et admet les erreurs, les siennes comme celles des autres.

La crise de l’adolescence

À plus long terme, le sacrifice de la mère parfaite sera vain : l’adolescence viendra rompre cette fusion et cette débauche de « OUI » aura servi en fin de compte, à sceller un mur d’incompréhension entre un enfant qui étouffe et une maman persuadée « d’avoir tout fait pour lui ». Si l’adolescent ne se rebelle pas, la situation n’est pas résolue pour autant. Viendra peut-être un jour, l’indispensable rupture, mais si tard… On s’interroge alors sur les chances d’accomplissement, en tant qu’adulte, d’un enfant-roi élevé par une femme totalement irremplaçable. Et le père parfait ? Personne n’en parle !

Mère parfaite, qui es-tu ?

Essayons de brosser le portrait de cette insupportable super maman, si charmante et calme, sans conflit, toujours prête à répondre aux attentes du petit. À la hauteur à la maison, au travail, avec son chéri et toujours partante pour une grande ballade campagnarde avec bébé ou pour une activité d’éveil. Cette volonté de réussite ne laisse pas de place à l’erreur : on atteint un niveau d’exigence impossible. Cette tentative mène souvent la mère parfaite à l’échec : crise dans le couple, rupture avec les amis, épuisement ou dépression… Sans compter que s’obliger à des heures de peinture, de lecture, de gommettes et de farandole, lorsque c’est contre sa nature, c’est très dur à vivre et cela se ressent…

Droit à l’erreur

  • La mère parfaite est forcément angoissée de temps en temps.
  • Ces doutes vont se régler par des signaux d’alarme (nervosité, stress et épuisement), et par la résistance que va lui opposer son enfant. Elle sera confrontée à ses questions ou des crises, qui font partie intégrante de son évolution.
  • Point de bébé parfait, même pour une mère parfaite : il pleure et s’impatiente, l’enfant est naturellement habité de contrariétés dont personne n’a la réponse.
  • Des mères parfaites et heureuses de l’être… Qui en a rencontré ? Il y a une bonne dose de sacrifice dans le parcours de ces femmes. Une capacité à gommer ses propres désirs et ses propres besoins, pour combler un enfant qui demandera toujours plus. Ce schéma exclut aussi le père du tableau, et s’il reste au foyer, il devra forcément s’effacer, entre son enfant-roi et sa femme dédiée à son petit.
  • Enfanter, élever son enfant, ce sont des doutes décuplés. Et ces tâtonnements sont faits de bonheurs, de ratés, de coups durs et de moments de grâce : vouloir tout réussir, c’est risquer de manquer tout cela !

La mère parfaite : un mythe dangereux

Feuilletez les magazines avec ces super-mamans PDG, chanteuses, sportives… Et relisez les commentaires associés aux clichés de leurs mines épanouies : tout leur réussit et en plus, elles ont eu le temps d’écrire un livre qui nous raconte cette expérience « si naturelle » !

  • Cette propagande de la mère parfaite laisse peu de place à la très concrète maman stressée, qui court de la crèche (quand elle a trouvé une place), au supermarché, avant de boucler les bains, les devoirs et le dîner. Il n’empêche, on s’y verrait bien : mince, bronzée, un enfant dans les jambes et un dossier bourré de contrats sous le bras… Des vies tracées, des réponses toutes faites : c’est finalement une pure fiction, puisque vivre, c’est douter.
  • Cette tentation de la perfection, on peut aussi l’expliquer par le parcours de la jeune maman, et sa relation avec sa propre famille. En mettant leur premier enfant au monde, certaines femmes revivent une bouffée d’enfance. Ce grand moment peut raviver des blessures qui n’ont jamais été cicatrisées.
  • Une femme active qui devient mère se retrouve face à un dilemme : celui du choix entre famille et carrière. Les inégalités homme/femme au sommet de la hiérarchie sont là pour nous le rappeler. Notre monde impose des choix et les pros qui se changent en mère parfaites souffrent vite d’un épuisement qui va les contraindre à réviser leurs ambitions…
  • Pour éviter les déceptions, mieux vaut se souvenir que la mère parfaite est un pur cauchemar pour la famille ! Et pour s’y aider, on peut feuilleter l’humoristique, Comment ne pas être une mère parfaite, de Libby Purves, chez Pocket.

Comment réagir ?

  • Avoir la tentation d’être une mère parfaire, c’est considérer que le reste du monde n’a finalement rien à apporter à son enfant, refuser de partager, gommer l’environnement, et vouloir réduire cet univers à ce couple unique : bébé et maman.
  • Et le père dans tout ça ? La fonction de mère n’est pas de combler tous les manques de l’enfant, sinon, quelle place serait laissée à l’exploration et la curiosité ?
  • Un excellent remède contre cette tentation du 100 % réussi, c’est l’humour. Rire de soi, de ses manies et ses excès. Prendre des distances avec soi-même et garder assez de temps pour cultiver son propre champ de bonheur : son compagnon, ses amies, ses passions…
  • Le partage aussi : déléguer, profiter, et laisser l’enfant prendre son temps.
  • Un deuxième enfant qui arrive, c’est souvent un grand éclair de lucidité : oui, il y a une place pour l’erreur, une deuxième ou troisième chance… La vie et l’éducation sont faites de tâtonnements et d’essais : cela s’appelle l’expérience.

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