L’enfant qui ne veut rien prêter

Votre enfant refuse de prêter ce qui lui appartient ? Rassurez-vous, en se socialisant, il va s’ouvrir sur les autres et comprendre les enjeux et les bienfaits de l’échange : ça marche dans les deux sens !

Un enfant est naturellement égocentrique. C’est une phase normale de son développement et non pas un trait de caractère. Avec le temps, il va changer de comportement, à condition toutefois de l’éduquer dans le respect des sentiments et des besoins des autres.

La notion de propriété chez l'enfant

Avant d’acquérir le sens de la propriété, un enfant s’approprie tout objet qui l’intéresse et bien malin qui arrivera à lui retirer des mains sans cris et pleurs. En grandissant, vers l’âge de 18 mois à 2 ans, il commence à prendre conscience qu’il n’est pas le prolongement de sa mère mais un individu à part entière.

  • Il commence à dire « moi » puis « je » et développe un véritable sens de la propriété, en tout cas en ce qui le concerne (la « frontière » est beaucoup moins nette pour ce qui appartient à autrui). Ce qui est « à lui » est « lui », c’est une partie de sa petite personne et y toucher est alors perçu comme une agression, une intrusion sur son territoire. C’est pourquoi il a beaucoup de mal à prêter spontanément ses jouets ou tout autre objet lui appartenant. D’ailleurs, l’intérêt d’un autre pour son bien va lui faire automatiquement réévaluer sa valeur et éveiller son propre intérêt. Alors qu’il délaissait cette grue ces derniers temps, c’est justement avec elle qu’il veut jouer, là, maintenant !
  • Cette période difficile se prolonge jusqu’à 4 ans et n’est pas tout à fait résolue avant 6 ans. Elle est parfaitement normale dans le développement de l’enfant et non pas le signe d’un manque de générosité ou d’égoïsme. Elle se conjugue à la phase d’opposition que connaissent les bambins et pendant laquelle ils affirment leur individualité. C’est la fameuse période du « non ». Refuser de prêter leurs affaires malgré vos injonctions, s’opposer à votre autorité leur permet d’imposer (ou du moins de tenter de le faire) leur personnalité, leur volonté.

Créez-lui un espace personnel

Pour qu’un enfant accepte de prêter un objet, il faut qu’il s’en sente pleinement propriétaire. Laissez-lui un espace, un territoire bien à lui, un coffre à jouets, des tiroirs dans lesquels il puisse ranger ses précieuses possessions et en disposer comme il l’entend. Si vous respectez sa propriété, il respectera aussi plus facilement celle des autres. Car à cet âge-là, si on revendique un droit exclusif sur ce qui nous appartient, on est beaucoup moins à cheval sur le règlement en ce qui concerne le bien des autres !

La notion de temps chez l’enfant

Si un petit enfant ne veut pas prêter ce qui lui appartient, c’est aussi parce qu’il n’a pas encore la notion du temps. Ce n’est pas la peine de lui expliquer qu’on lui rendra son jouet tout à l’heure, cela ne représente absolument rien pour lui.

  • Ce qu’il sait, c’est qu’on lui a pris ce qui est à lui et il ne peut pas imaginer qu’on le lui rendra. Il est dans l’immédiateté et n’a pas encore les ressources pour anticiper. Les notions de futur ou de passé lui sont étrangères. Vers 3 ans, la notion de temps s’affine. L’enfant comprend qu’il y a un « après, » et s’il ne maîtrise pas les repères temporels classiques (heures, jours, semaines…), il crée ses propres repères, en s’aidant des chiffres qu’il a déjà acquis. « Papa revient dans combien de dodos ? »
  • Vers 4 ou 5 ans, il peut véritablement faire des projets, se préparer aux vacances, à une fête et s’en réjouir par avance. Et mesurer le temps passé : « J’étais comme ça moi aussi quand j’étais bébé ? » Quand l’enfant a acquis une certaine notion du temps il peut prêter plus facilement, car il lui est possible de concevoir le retour prochain de l’objet auquel il tient tant.

L’importance de la socialisation

  • La socialisation joue un rôle important pour l’enfant dans le dépassement de son égocentrisme naturel.
  • Hors du petit cercle familial, à la crèche ou à l’école, l’enfant apprend à vivre avec les autres, dans le respect des règles. Ses désirs, ses besoins ne sont plus prioritaires, il doit apprendre à respecter ceux d’autrui, à attendre son tour. Rien de tel pour faire taire son ego ! Aussi petite soit-elle, cette société qu’est la classe est construite comme les autres sociétés, sur la base d’échanges et de partage.
  • Il fait l’apprentissage d’une valeur importante, la réciprocité. « Tu me prêtes ton camion, je te prête ma voiture. » Il prend conscience que ses actes ont des conséquences sur le comportement de ceux qui l’entourent. Peu à peu, il est capable d’empathie : ce que ressent l’autre, ce sont des émotions, des sentiments qu’il éprouve lui-même : la reconnaissance pour celui qui lui prête son jouet, le plaisir d’aider ou de partager… Il noue alors de vraies relations avec ses petits camarades avec, à la clef, de belles histoires d’amitié !

Comment réagir quand il ne prête pas ?

L’égocentrisme (et non pas l’égoïsme), de votre enfant est normal pour son âge. Dédramatisez la situation, ne le punissez pas s’il refuse de prêter, ne le forcez pas à le faire, même si vous devez marquer votre désapprobation et l’inciter à plus de générosité. Et puis, relativisez : prêtez-vous facilement toutes vos affaires ? Même ce petit chemisier en soie si délicat ? Le rôle des parents est de faire prendre conscience à l’enfant de ses propres sentiments et émotions (la colère, l’envie, la joie) pour qu’il puisse comprendre lui-même ceux des autres. Lorsque l’enfant refuse de prêter, demandez-lui de vous expliquer ses raisons et expliquez-lui ce que ressent l’autre enfant, demandez-lui d’imaginer ce que lui ressentirait à sa place. Ne le forcez pas à prêter ses affaires s’il refuse, mais dites-lui que vous le trouvez peu généreux. Partager ou prêter doit devenir pour lui un acte spontané, de plein gré. Encouragez-le en le félicitant lorsqu’il accepte de se séparer d’un objet. Et montrez l’exemple : si vous vous montrez généreux, votre enfant prendra modèle sur vous.

Ni méchanceté, ni égoïsme

Avant 3 ou 4 ans, un enfant est naturellement égocentrique. Depuis sa naissance, il est habitué à ce que l’on subvienne à tous ses besoins, il est le centre d’attention de ses parents. Tourné vers lui-même, il n’est pas ouvert sur les autres avant d’être confronté réellement au monde extérieur (la crèche, l’école) et il perçoit tout selon son seul point de vue. Il est encore trop jeune pour avoir la capacité de se mettre à la place de l’autre. S’il ressent très fort la contrariété, la déception lorsqu’un autre bambin refuse de lui prêter ses jouets, il ne peut encore imaginer ou ressentir ce que l’autre éprouve dans la même situation. Ce qui le meut c’est son désir et il ignore celui de l’autre. La méchanceté ou l’égoïsme n’est pas en cause.

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