Les médicaments dangereux pendant la grossesse Par le Professeur René Frydman

Pendant votre grossesse, certains médicaments, même d’apparence anodine, peuvent se révéler dangereux pour vous comme pour votre bébé. Assurez-vous que les médicaments que vous serez amenée à prendre ne sont pas contre-indiqués et demandez toujours un avis médical avant de débuter un traitement pendant votre grossesse.

Il n’est ici pas question de passer en revue les quelque 5200 médicaments commercialisés aujourd’hui en France ! Ce serait aussi peu utile que rébarbatif… Cependant, mieux vaut connaître le nom des substances d’usage courant ou des familles de médi­caments dont on doit se méfier. Quant aux molécules qui ne seraient pas citées dans ce chapitre, prudence : ce qui n’est pas formellement contre-indiqué n’est pas pour autant conseillé.

Les traitements contre l’acné

L’isotrétinoïne (Roaccutane®, Curacné®…), une molécule utilisée dans le traitement de l’acné sévère, est formellement interdite durant toute la grossesse en raison de ses risques tératogènes connus : son utilisation peut entraîner une malformation sévère chez le bébé. C’est l’un des rares médicaments dont l’absorption régulière justifie une interruption thérapeutique de grossesse. Consultez sans attendre votre médecin si vous tombez enceinte pendant la durée de votre traitement.

Certains antibiotiques

Certaines familles d’antibiotiques sont sans conséquence et pourront vous être prescrites pendant la grossesse. C’est le cas des pénicillines, employées, par exemple, lors d’une angine, ou de l’amoxicilline, en cas de cystite. Ces antibiothérapies, on le sait, sont sans danger pour le fœtus. Toutefois, d’autres familles sont, non pas dangereuses pour la santé du fœtus, mais plus problématiques. Raison pour laquelle elles sont contre-indiquées. Les tétracyclines, par exemple, traversent le placenta et se déposent sur les dents, provoquant une coloration jaune ou brune des dents de lait du bébé. Elles sont donc interdites pendant la grossesse, quel que soit son terme.

La pharmacovigilance

Vous avez un doute quant à un médicament? Vous pouvez téléphoner au centre de pharmacovigilance de votre région. Un spécialiste, informé des risques que présente tel ou tel médicament en cas de grossesse, répondra à vos inquiétudes. Vous trouverez toutes les coordonnées des centres régionaux sur le site de l’associationhttps://ansm.sante.fr/Declarer-un-effet-indesirable/Pharmacovigilance/Centres-regionaux-de-pharmacovigilance/(offset)/4 , en cliquant sur le département de votre choix.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens et l’aspirine

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les AINS, dont font partie l’aspirine ou l’ibuprofène, sont les médicaments les plus utilisés dans le monde. Et d’autant plus qu’ils sont délivrés en pharmacie sans ordonnance. Il est donc tentant d’avoir recours à son cachet habituel pour lutter contre un mal de tête persistant. Mais sachez que l’aspirine (aux doses habituelles) et ses dérivés peuvent être toxiques pour le bébé sur les plans cardiaque, pulmonaire et rénal : fermeture prématurée du canal artériel, insuffisance rénale, détresse pulmonaire. Ils peuvent aussi provoquer chez la mère une hémorragie au moment de l’accouchement en raison de leur effet anticoagulant. En conséquence, la prescription d’AINS est formellement contre-indiquée à partir du sixième mois de grossesse (24 semaines d’aménorrhée révolues) par l’AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, https://ansm.sante.fr/). Par mesure de précaution, évitez de prendre ces médicaments en début de grossesse. Certaines études tendent à démontrer leur effet nocif dès les premières semaines. Et ce d’autant plus qu’il existe des alternatives efficaces, comme le paracétamol.

Les antidépresseurs, anxiolytiques et somnifères

Bouleversant le fonctionnement des reins, les antidépresseurs sont à éviter pendant la grossesse. Le lithium, par exemple, utilisé en cas de troubles bipolaires, est contre-indiqué. Cependant, si vous êtes sous traitement, votre médecin choisira sans doute de diminuer la posologie plutôt que d’arrêter brutalement. Certains antidépresseurs restent, par ailleurs, autorisés. D’après les études menées, les tricycliques sont préférables aux inhibiteurs du recaptage de la sérotonine, comme le Prozac®.

Certains somnifères ou tranquillisants perturberaient, quant à eux, les mécanismes d’adaptation respiratoire et alimentaire. Ne prenez pas d’hypnotiques sans en parler à votre médecin : les benzodiazépines (Valium®, Stilnox®, Lysanxia®) sont, par exemple, contre-indiqués. Mais ne restez pas sans dormir : vous avez besoin de repos. Des traitements inoffensifs contre l’insomnie existent – le Donormyl® peut, au premier trimestre, être proposé. Quant aux tranquillisants, préférez en première intention les médicaments homéopathiques ou à base de plantes, souvent efficaces.

Et la pilule ?

Si, parce que vous ne vous saviez pas enceinte, vous avez pris une contraception progestative ou œstroprogestative pendant votre grossesse, ne vous inquiétez pas. La pilule ne présente aucun risque reconnu. Bien entendu, arrêtez votre traitement contraceptif dès confirmation de la bonne nouvelle !

La codéine

Utilisée dans le traitement contre la toux et parfois contre la douleur, la prise de codéine n’est pas conseillée pendant la grossesse. Un risque de malformation respiratoire, bien que minime, et de syndrome de sevrage néonatal est soupçonné par les médecins. Mieux vaut donc s’abstenir. Mais d’autres antitussifs existent, sans contre-indication.

Certains laxatifs

La constipation est l’un des maux les plus courants de la grossesse. Si les mesures d’hygiène et diététiques sont inefficaces, consultez votre médecin. Ne prenez pas, sans son avis, de laxatifs stimulants, de laxatifs lubrifiants (huile de paraffine) ou de laxatifs contenant plusieurs principes actifs. Ces produits irritent les muqueuses intestinales et/ou modifient l’assimilation de certaines vitamines. En revanche, votre médecin pourra vous conseiller un laxatif de lest (Normacol®, Transilane®) ou un laxatif osmotique (Forlax®, Sorbitol®). Mais sachez qu’avant d’être traitée chimiquement, la constipation peut dans la plupart des cas être combattue grâce à de simples mesures alimentaires.

Certains antiépileptiques

L’utilisation de l’acide valproïque (Dépakine®) est formellement contre-indiquée chez la femme enceinte comme chez celle qui compte le devenir : le risque tératogène a été mis en évidence, des malformations ayant été observées chez le nouveau-né (fente labiale ou malformation cardio-vasculaire). Votre médecin préférera sans doute un anticonvulsivant comme le Lamictal® ou le Trileptal®. Les futures mamans épileptiques seront de toute évidence particulièrement suivies pendant la grossesse.

Non à l’automédication !

D’une façon générale, ne prenez pas de médicaments sans consulter un praticien. Si, malgré tout, un dimanche à 22 heures, vous êtes tentée de soulager une douleur ou un mal bénins, vérifiez sur la notice d’information les précautions à prendre en cas de grossesse et d’allaitement. Cette précision figure dans toutes les boîtes : elle est obligatoire. En cas de symptômes plus graves, faites venir un médecin.

Certains neuroleptiques

L’utilisation de neuroleptiques n’est évidemment pas recommandée. Toutefois, en cas de pathologie psychiatrique, l’administration d’un psychotrope peut s’avérer nécessaire. Plusieurs molécules aujourd’hui bien connues peuvent être prescrites. Mais il est nécessaire que les professionnels qui vous suivent – médecin traitant, gynécologue, obstétricien, sage-femme, équipe de la maternité – soient informés du traitement.

Le cas du Distilbène®

Prescrit dès les années 1950 et jusqu’en 1977, le Distilbène® diminuait les risques de fausse couche. Cette hormone a malheureusement provoqué chez certaines petites filles des anomalies génitales. Conséquences : problèmes de fécondité, risque accru de fausses couches, de grossesses extra-utérines, d’accouchements prématurés ou difficiles. Les femmes dont les mères ont pris du Distilbène® sont particulièrement suivies. Un cerclage du col est souvent envisagé et le repos, voire l’alitement, sont nécessaires. D’autres médicaments, autorisés par le passé mais désormais connus pour leurs méfaits, ont été formellement interdits. Citons la Thalidomide®, qui provoquait une malformation des membres, ou le Soriatane®, responsable de malformations fœtales.

Les médicaments de substitution

Méthadone et buprénorphine (Subutex®) ne sont pas formellement interdits. Ils restent possibles dans le sevrage des opiacées et représentent une alternative en cas de dépendance de la future maman. Mais une surveillance toute particulière doit être observée. Ce traitement présente un risque de souffrance fœtale, de syndrome de sevrage néonatal, ainsi qu’un risque de report sur des consommations peu souhaitables (alcool, benzodiazépine…).

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