Pourquoi les fausses couches surviennent-elles ? Par le Professeur René Frydman

Les fausses couches sont des avortements spontanés, qui se traduisent par des pertes de sang de plus en plus abondantes. La plupart surviennent lors du premier trimestre, et plus précisément avant 10 semaines d’aménorrhée. Passé ce délai, le risque s’amenuise fortement.

Contrairement à certaines idées reçues, le surmenage ou une mauvaise hygiène de vie ne peuvent en aucune façon entraîner une fausse couche. Dans la majorité des cas, cet événement douloureux trouve son origine dans une anomalie chromosomique de l’ovule ou du spermatozoïde (parmi les innombrables cellules sexuelles produites par chaque individu, il en est toujours certaines de mauvaise qualité). Du fait de cette anomalie, l’embryon n’est pas viable et son développement cesse de lui-même. Ce n’est que dans de rares situations, après trois fausses couches successives, que les médecins cherchent une autre cause, souvent délicate à déterminer.

Des causes variées

De quoi s’agit-il ? Après 35 ans, il existe un risque accru de fausse couche, en particulier au cours du premier trimestre. Si on dénombre entre 1 et 2 % de fausses couches chez les futures mères de 30 ans, ce chiffre passe à 10 % chez celles de plus de 40 ans. Que se passe-t-il ? Notre organisme comporte vingt-trois paires de chromosomes situées dans le noyau de chacune de nos cellules. Chaque parent transmet la moitié de ses chromosomes à son enfant. Il suffit que le mélange des chromosomes maternels et paternels se fasse mal pour que cela crée une anomalie incompatible avec la vie. Dans ce cas, la fausse couche n’est qu’un processus naturel qui permet d’éliminer un embryon non viable. Il peut aussi s’agir d’un œuf clair, c’est-à-dire sans embryon, lorsque les cellules ne se sont pas multipliées tout de suite après la fécondation. Ces erreurs de la nature sont entièrement liées au hasard.

Les symptômes d’une fausse couche

Certains signes doivent attirer votre attention :

  • Vous avez des saignements. Rassurez-vous, ils ne traduisent pas tous une fausse couche. Ils se produisent spontanément dans environ un quart des grossesses au cours du premier trimestre. Une sur trois évoluera tout à fait naturellement ;
  • Vous ressentez des douleurs inhabituelles dans le bas-ventre, comme des douleurs de règles mais plus fortes ;
  • Vous aviez constaté les premiers signes de la grossesse (nausées, vomissements, douleurs mammaires…), mais, d’un coup, ces symptômes ont disparu.

Dans tous les cas, consultez sans tarder votre gynécologue ou le service des urgences de la maternité. Outre un examen clinique, le médecin pratiquera une échographie de contrôle. Elle permet de visualiser le contenu de l’utérus afin d’y distinguer la présence de l’embryon et d’apprécier la vitalité de ce dernier (les battements du cœur du bébé sont visibles dès la 5e semaine de grossesse, ou la 7e semaine d’aménorrhée). Si aucun embryon n’est visible, la fausse couche est avérée. Une prise en charge vous sera alors proposée.

Une hospitalisation est-elle nécessaire ?

Au moindre saignement, il est impératif de consulter. S’il s’agit d’une fausse couche, le médecin prescrira un arrêt de travail et des médicaments contre la douleur (s’il n’y pense pas, il ne faut pas hésiter à lui en demander : la douleur n’est pas systématique, mais fréquente). Le plus souvent, la femme expulse spontanément l’œuf en quelques jours, à domicile. Mais si ce n’est pas le cas, la prise d’un médicament ou une intervention sous anesthésie locale ou générale à l’hôpital seront nécessaires. Une fois passée la visite de contrôle, la femme pourra chercher de nouveau à avoir un enfant dès qu’elle se sentira prête. Le fait de faire une fausse couche n’affecte pas les grossesses ultérieures, et le risque reste le même (10 à 15 % des grossesses).

Et après le premier trimestre ?

Beaucoup plus rarement, il arrive qu’une grossesse s’interrompe d’elle-même durant le second trimestre. Ces fausses couches tardives sont dues à une ouverture anormale du col de l’utérus, parfois liée à une malformation. Souvent le médecin repère cette situation avant qu’elle n’entraîne la perte du fœtus. En prévention, un cerclage est alors pratiqué au 3e mois par un obstétricien. Cette petite intervention, sous anesthésie locale ou générale, consiste à fermer le col par un fil de nylon qui sera ôté en consultation environ un mois avant l’accouchement. La situation est beaucoup plus délicate, et l’issue aléatoire, si le problème est détecté lors de l’apparition des premiers saignements.

Les soins de suite

S’il reste dans l’utérus des traces de la grossesse, il faut intervenir car vous courrez un risque d’infection. Il existe deux méthodes pour évacuer les restes de l’embryon : le médecin peut prescrire un traitement à base de prostaglan­dines, des hormones provoquant des contractions et qui permettent d’évacuer complètement l’utérus, ou il peut les aspirer à l’aide d’une petite canule reliée à une pompe (cette méthode se pratique sous anesthésie générale). Une courte hospitalisation (une journée) peut être proposée.

Pas de conséquences sur les grossesses futures

Par la suite, environ un mois plus tard, les règles réapparaissent normalement. Vous pourrez dès lors tenter une nouvelle grossesse : médicalement parlant, rien ne s’y oppose. N’ayez pas d’inquiétude ! Ce n’est pas parce que vous avez fait une fausse couche que la prochaine grossesse se terminera obligatoirement de la même façon. Il y a toutes les chances pour que cela n’ait été qu’un accident de parcours. Toutefois, cet événement est difficile : une fausse couche entraîne toujours une douleur morale et nécessite de faire son deuil. N’hésitez pas à demander une aide psychologique.

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