La paternité : innée ou construite ?

Pour les femmes, la maternité commence avec l’annonce de la grossesse, pour le corps comme pour l’esprit. La femme enceinte est future mère. Au bout de quelques mois, elle change et cela va vite se voir. Pour les hommes en revanche, il est très complexe de savoir comment cette nouvelle va transformer leur perception du monde, l’organisation de leur vie et combler leurs attentes.

La paternité est une affaire individuelle : la création d’une cellule familiale est le fruit d’un vécu personnel et d’une relation de couple. L’annonce de cette vie de famille peut être également intolérable et refusée : impossible d’attendre un cheminement uniforme alors qu’il existe une telle infinité de caractères et d’histoires personnelles.

On a longtemps considéré que c’est le père qui vient au monde le jour de l’accouchement. Pourtant certains, en développant des couvades ou des poussées de fièvre, prouvent que leur imaginaire a déjà intégré l’événement. Ils l’expriment avec leur corps, parfois dans l’excès, mais pas pour autant dans la simulation. D’autres vont vivre des moments d’exaltation, ponctués de questions ou de bouffées d’angoisse…

Bébé et maman sont à la maternité

ou de bonheur, le jeune père passe ses nuits dans un fauteuil à veiller ses deux amours, avant de courir au travail (il a gardé son congé parental pour le retour à la maison). Il profite des derniers moments de liberté pour aller faire la fête avec ses copains. Il brique la maison comme un forcené et remplit le réfrigérateur. Chacun s’occupe à sa façon : il existe autant de pères en devenir que de types d’homme…

Idées reçues sur la paternité

Être père aujourd’hui, c’est souvent un grand bonheur et parfois aussi des malentendus sur ce qu’il est bon de faire, sur des comportements dits ou jugés « normaux » par l’entourage.

Cette pression sociale (que certains s’imposent d’eux-mêmes), est caractéristique lors de la préparation à l’accouchement : certains futurs pères se soumettent contre leur gré à des séances parfois pittoresques de respiration accélérée, cernés par un aréopage de femmes ventrues.

Si la mère est vraiment soumise à une forte pression sociale basée sur une sacrée dose de culpabilité (ce qu’il faut faire, penser ou ressentir pour être une « bonne mère »), le père ne sort pas indemne de l’épreuve. Être présent aux trois échographies, couper le cordon le jour J. Cela ressemble à un parcours obligé, alors que l’on croyait vivre une expérience totalement personnelle et intime : c’est le moment de poser ses limites, pour vivre selon ses propres choix et ne pas le regretter plus tard.

Faut-il se sentir coupable de ne pas craquer d’emblée à la vue de son petit en grenouillère, qui hurle et se crispe à en devenir violet. Faut-il s’inquiéter d’être à ce point dégoûté par ses renvois et ses couches sales ? Beaucoup de mamans ont la chance de tomber amoureuse de leur bébé, dès le premier regard. Pour le papa, cela prendra souvent plus de temps.

On est passé d’un extrême à l’autre : hier, les pères ignoraient les nourrissons et ne découvraient leurs enfants qu’intelligents (selon eux), propres, parlant et vigoureux. Aujourd’hui, on vit plutôt une époque où la charge est telle, que les rôles se télescopent et peuvent se mélanger.

On rencontre encore des Ostrogoths qui révèlent fièrement que « les bébés ne sont pas intéressants ! » : ce jugement brutal résistera-il a l’expérience du sourire et à l’éclat de rire des 4 mois ? On ne peut pas parler de rivalité père-mère en ces instants de découverte. Mais le sentiment d’attachement sort forcément grandi lorsque le père réalise que son petit le reconnaît, lui sourit et apprécie sa présence.

La paternité : un travail de tous les jours

À voir le nombre de papas qui « oublient » de payer les pensions alimentaires, on réalise que la paternité se travaille au jour le jour et s’impose parfois par la force de la loi. Le livre du Professeur René Frydman intitulé Devenir père, aux éditions Hachette Pratique, parle d’un processus évolutif, d’une progression affective et psychologique et non pas d’une évidence, livrée telle un paquet cadeau à l’occasion d’une naissance.

Le rôle du père

  • ŸLe statut du père a beaucoup changé en une génération : contraception, travail des femmes, place centrale des enfants… Les facteurs sont nombreux pour expliquer ces glissements spectaculaires.
  • ŸLe patriarcat est aussi bouleversé par l’éclatement des familles et des séparations qui font souvent des mères le référent absolu de l’éducation des petits. Les nouveaux pères : qui sont-ils ? Des mères-bis, des super papas, des mirages…
  • ŸAujourd’hui, les pères sont, généralement, davantage à l’affût d’informations sur leur rôle, que par le passé : plus attentifs avant et après la naissance, plus complices dans les jeux, moins autoritaires souvent aussi.
  • Cette perte des repères est parfois difficile à vivre pour les mères qui conservent leurs fonctions maternantes et la gestion du quotidien, mais héritent en plus du fardeau de la loi. Elles ont aussi l’impression parfois que leur moitié marche sur leurs plates-bandes.
  • Le rôle du père est, fondamentalement, celui de l’arbitre du couple. Capable d’attirer vers lui sa femme, pour maintenir le lien qui les a poussés à concevoir cet enfant. La mère se lance souvent à fond dans son rôle et le père navigue, donnant l’alerte lorsque l’attachement devient trop absolu, lorsque le couple mère-bébé exclut le troisième homme !

Au nom du père

  • Nombre de papas qui ont eu des premiers enfants très jeunes et un dernier arrivé à un âge plus mûr déclarent souvent avoir découvert ce qu’être père voulait dire avec ce petit dernier. Non pas qu’ils soient passés complètement à côté de leurs premiers, mais qu’ils ont voulu prendre le temps de vivre ces moments de partage et d’apprentissage, avec ce bébé de la maturité.
  • Faut-il absolument passer par certaines étapes pour se sentir père ? Est-ce que certains hommes ont cela en eux d’emblée et d’autres ne connaîtront jamais cette passionnante charge affective ? Il existe certainement des conditions qui favorisent l’attachement. Des goûts personnels, des projets, des châteaux construits dans sa tête…
  • D’homme, on devient père : l’enfant vous perçoit comme tel. Pour certains petits qui n’ont pas toujours la chance d’être reconnus par leur géniteur, cette quête du père devient le combat d’une vie, parfois gâché par une porte qui restera fermée pour toujours. Cela prouve en tout cas que le besoin de père, lui, semble bel et bien inné.

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